l'enquête de Roland Agret...

 

Enquête soutenue par Le Groupe, réalisée par Roland Agret

 

Je remercie d’abord des plus vivement, tous les gentils Hemonnet, debout depuis 14 ans, qui m’ont été un gain de temps considérable, par leurs relations et leur organisation, qu’ils ont mis à notre disposition.

Un pilier précieux aux amis du Groupe et aux rescapés de la famille Leprince.

 

Cette enquête est pour grande partie reproduite dans « Condamné à tort », mais elle ne relate pas mes façons de procéder ni mes motivations.

Donc, lorsque je reprends cette enquête, mon dossier sous le bras, je veux déjà faire le maximum pour tenter de comprendre au plus près, comment un tel drame a pu se dérouler et dans quelles circonstances.

 

Avec l’autorisation des époux Pernel, puis du couple DB qui nous verront souvent avec la presse, je peux entrer dans l’ancienne maison de Brigitte et de Christian. Celle des crimes. C’est dur pour Marie-Jo qui m’accompagne toujours, pour moi également. Tant d’images insoutenables s’entremêlent dans nos têtes. Toutefois, ils mettent un interdit compréhensible et une promesse à leur faire : Pas de photos qui transpirent dans les médias, rien de l’intérieur de la maison ne doit apparaître. Nous pouvons tout reproduire, mais aux autorités judiciaires seulement. Je n’en demandais pas davantage. Les Pernel comme les DB sont des personnes d’une grande gentillesse et d’autant de compréhension. Evidemment, nous promettons et nous tenons.

Avec Marie-Jo, comptabilisant le temps, nous avons du passer plus de trois jours pleins chez eux. Rien qu’en constats et investigations. A faire les cents pas jusqu’à la maison de Dany. A vérifier le moindre détail de terrain avec les premiers constats de Gendarmerie. Ce qui nous a éclairé sur pas mal de points et nous a permis de dresser une synthèse conséquente, indispensable pour nous. Nous avons relevé des aménagements nouveaux apportés par les propriétaires, dont une cloison abattue et « un trou rebouché » très important. La maison de Dany a également été modifiée. Ce qui ne gênait en rien nos investigations.

Outre un cahier d’écolier de notes, nous avons deux pellicules photos pleines, sur les lieux directs du drame et sur son environnement immédiat.

Et je n’ai pas oublié, un reportage complet visant les révélations Rousseau.

 

Ce premier travail de proximité nous apportait des évidences bien raisonnables ;

Par rapport à la situation géographique particulière des deux maisons, si proches l’une de l’autre en pleine campagne, les criminels – puisque la scène des crimes en dénonce au moins deux, par les empreintes – venaient forcément de la maison d’en face, c'est-à-dire celle de Dany.

Au moment de la tuerie, nous savions que Martine et ses filles étaient là. Si les assassins étaient venus d’ailleurs, elles auraient forcément entendu, alerté immédiatement et dénoncé.

Marie-Jo dans le rôle de Célia et moi dans celui de Martine, leurs différentes versions en mains, nous avons tenté de les emboîter, essayant d’en rechercher la moindre cohérence par rapport aux lieux. Impossible, par tant de contradictions, d’invraisemblances entre elles.

Prenant en référence le moment où le pot de yaourt tombe des mains de Brigitte, forcément au début de l’agression puisqu’elle était en train de le consommer, nous reprenons le trajet de Dany, son départ de chez les Malherbe jusqu’à la Groie. Nous concluons qu’il n’était pas encore arrivé au moment de la tragédie.

Nous avons immédiatement collationnés les expertises relatives aux décès pour les soumettre à notre amie, le Professeur Michèle Rudler, ancienne directrice des laboratoires de la police scientifique de Paris, dont les conclusions n’ont laissé aucune équivoque : Un homme seul ne pouvait pas avoir commis un tel massacre, sans laisser la moindre trace, la moindre empreinte.

L’évidence même,

 

Dans le dossier, des gens, proches de la ligne du TGV, pas trop éloignée des maisons de Dany et Christian, ont déclarés avoir « entendus des bruits et des cris ». Nous nous y sommes donc rendus, nos conclusions rejoignent celle des enquêteurs qui avaient dragué la voie ferrée.

Pas le moindre indice pouvant coller avec la tuerie.

 

Sur les lieux en liaisons directes avec le cœur du dossier, nous avons voulu vérifier si Renée avait pu entendre passer la voiture de Dany.

Marie-Jo s’est mise en position à « La Goualtière » pour tendre l’oreille. Avec ma voiture, qui pétarade certainement moins que la Ford de Dany, je suis parti de « L’Imbaudière », pour passer devant l’ancienne ferme des parents Leprince.

Et Marie-Jo a parfaitement entendu le bruit du moteur.

 

Presque en face, la maison des Froger, dont les fameux « arrête arrête » de Martine auraient été entendus, nous savons dans quelles conditions. Je me suis mis en bord route, à la hauteur de la maison et je n’ai pas entendu Marie-Jo qui criait devant celle de Dany. J’en ai tiré mes propres conclusions, tenant compte de la direction du vent, qui ce jour là était propice pour porter la voix.

 

M’estimant informé sur des lieux s’encastrant dans un périmètre très réduit, j’ai abandonné ces endroits, tous bien photographiés, pour les retrouver dix fois ou peut-être plus ensuite, avec des journalistes pour leurs reportages.

 

Sur les auditions en ma possession, je n’en ai considérée qu’une seule : celle de madame Menant, parce que je voulais également rencontrer sa fille Morgane.

Je prends donc rendez-vous et nous les rencontrons toutes les deux. La fille me rédige une déclaration intéressante. La mère confirme en principal, mais infirme une partie de ce qu’elle était censée avoir déclaré : à savoir que monsieur Bobet ne gardait pas ses propres filles en fin d’après midi, quelques heures avant le drame, mais Pauline et Marion, filles de Martine. Ce qui changeait la donne considérablement.

 

Pour André Lhermite, j’étais bien ennuyé : Le pauvre homme venait de décéder.

Je rencontre donc sa fille et son gendre, qui m’attestent et signent que les propos tenus par leur père et beau père sont rigoureusement exacts, puisqu’il leur a rapporté qu’il avait bien surpris Martine et Claude Bobet en plein ébat amoureux. Que Martine ait eu un amant ou pas, ce n’est pas un fait qui pouvait innocenter Dany. Par contre, il devait mener à de sérieuses vérifications, pouvant déboucher sur d’autres.

 

Immédiatement, j’ai pensé à la petite Solène, la petite miraculée, qui doit avoir bien grandit. Dans le dossier, ses propos rapportés ont pesés lourd dans la balance. Il est notoire que Patricia, sa tante maternelle, veille sur sa nièce tel un dragon et que de l’affaire, il ne faut pas lui en parler.

Elle est en bon rapport avec Renée Leprince, qui voit régulièrement sa petite fille. Je lui suggère de lui demander si elle accepterait de nous recevoir. Elle est d’accord et Renée nous accompagne. Patricia est une femme droite comme un I. Elle est assistante maternelle. Elle accepte que je lui parle de l’affaire. Elle se crispe et j’imagine les souvenirs déchirants qui se bousculent en elle. Elle me raconte des trucs aussi étonnants qu’importants. Entre autre, du moment même où, enlevée à sa nourrice pour lui être confiée, alors que la petite « se souvenait de tout », elle ne se souvient brutalement de plus rien. Pour en témoigner, elle veut réfléchir, rassembler sa mémoire et surtout me préparer des documents très importants, à condition que je ne les utilise qu’en Justice.

Nouveau rendez-vous. Comme promis, sur la table, les documents sont là. Elle fait quatre pages de déclarations que je peux qualifier de fracassantes, puisqu’elles font voler en éclats « les desseins et accusations de Solène ». Au point que j’en appelle à un expert, près la Cour d’Appel de Paris, Gérard Lopez, qui nous produira une note d’avis extrêmement significative.

 

Du fin fond de la Sarthe, madame Leroux se signale à Renée. Elle veut nous voir d’urgence. Cette brave femme est magnétiseuse et nous révèle que des personnes l’auraient consultée au matin du drame. Ils semblaient très inquiets pour l’un de leur fils, qui avait perdu son portefeuille, dans un talus, pas loin des lieux de la tuerie. Je suis déçu, la piste échouée de ce portefeuille est dans le dossier. Chou blanc. Mais il faut tout voir, tout entendre.

 

J’ai également envie d’approcher un ou deux pompiers volontaires, présents lors de l’horrible découverte, connaître leurs souvenirs du carnage, positions des corps et attitudes des personnes présentes. Grâce à Gérard Hemonnet qui connaît toute la Sarthe, j’ai pu le faire. Cela ne m’apporte pas de révélations mais d’indispensables confirmations. Pour un journaliste, il a même fait faire « une démonstration d’utilisation de la feuille » par son boucher !

 

J’ai été mis sur la piste de ce fameux couteau déterré dans la carrière de Cherré, un an après la condamnation de Dany. Exact selon nos vérifications. Cela rejoignait le témoignage des époux Pernel, qui avaient reçu la visite des gendarmes en ce même temps, pour leur présenter un grand couteau.

 

J’ai immédiatement collationné, rédigé un second rapport complet, contenant toutes mes notes, analyses sur les lieux des crimes, mes auditions authentifiées, les documents remis par Patricia, les notes d’experts. Le tout à l’intention de la Commission des Révisions et des Avocats, qui se sont reposés dessus pour solliciter des vérifications.

 

Je voulais seulement vous livrer mes manières d’agir et de penser dans cette modeste enquête, qui s’est faite dans le temps, en plusieurs longs voyages. Et dans l’urgence, j’ai fait de mon mieux. Et Valence Thorigné, bonjour les kilomètres. Au « Mercure Batignoles » du Mans, j’y suis presque en famille.

 

Plus personnellement, nous gardons le grand souvenir d’un repas chez Robert et Renée, rillettes maison bille en tête.

Quant aux Hemonnet, ils jouent toujours « table ouverte », avec nous comme avec des journalistes.

Et la cuisine de Elise arrosée au Bordeaux de Gérard, c’est quelque chose à ne pas manquer, surtout en enquête. Ça vous refile de sacrés bons coups au moral !

 

Parce que du moral, il nous en fallait, tellement c’était épuisant pour nous.

Chaque avancée faisait l’objet d’une réunion chez les Hemonnet que je citronnais de questions. De même envers Robert et Renée. D’une idée à une autre, c’était aussi utile que nécessaire.

C’est ainsi qu’ils ont été tenus au courant de l’enquête et qu’ils y ont, de fait, grandement participé.

J’en témoigne pour eux, de la même façon qu’ils peuvent en témoigner pour nous, puisque Marie-Jo était forcément avec moi.

 

A partir de là, nous entrions dans un autre combat, féroce et lancinant. D’autres rapports, bien d’autres faits et actions se sont fixés sur nos conclusions.

C’est ainsi et pourquoi nous avons été reçus par le Conseiller de la Garde des Sceaux et par le Conseiller du Président. Pour porter au plus haut niveau, la tragédie de Thorigné et l’innocence de Dany.

 

Roland Agret

 

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